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S’il est vrai que les défis de
la civilisation actuelle nous
obligent à revoir en profondeur
nos valeurs et nos priorités,
aujourd’hui, plus que jamais, il
nous faut aussi réévaluer nos
compétences et nous interroger
sur ce dont nous aurons besoin
pour affronter un avenir que
nous avons nous-mêmes assombri.
Dans son livre Cinq formes
d’intelligence pour affronter
l’avenir, le psychologue Howard
Gardner se questionne sur les
dispositions et les qualités à
cultiver pour répondre à la
présente crise mondiale.
Dans le paysage social
contemporain, ses conclusions
étonnent. Plus question ici de
comprendre l’intelligence en
terme de quotient intellectuel
ou d’agilité mentale mais bien
plus de compétences humaines. Il
en a retenu cinq qu’il estime
fondamentales pour traverser
avec succès des temps instables
: la discipline, l’esprit de
synthèse, la créativité, le
respect et l’éthique. Ces vertus
ne sont pas nouvelles, de tout
temps elles ont constitué les
bases de la formation du
caractère dans les sociétés
traditionnelles.
Réactualiser ces valeurs
atemporelles, dont certaines
semblent avoir été rejetées
depuis longtemps par notre
culture, est aujourd’hui
essentiel à la survie de
l’humanité. Mais encore, la
question qui se pose est bien de
savoir comment pouvons-nous
faire émerger ces qualités chez
les individus alors que dans
notre société, le mode de
fonctionnement pour transmettre
la connaissance ne les reflète
pas?
Au contraire, les valeurs
temporelles de la modernité
continuent de donner préséance
à l’accumulation de
connaissances intellectuelles
plutôt que de favoriser le
développement de l’art de pensée
par soi-même. L’intelligence se
mesure en terme d’aptitude à
absorber des quantités de
données que l’on va par exemple
pouvoir régurgiter sous la
pression des examens.
Le
phénomène croissant des « smart drugs
» (Ritalin, Alertec, etc.)
chez les étudiants
universitaires et chez les
professionnels, dont faisait
récemment mention un magazine
québécois, en est un exemple.
Nous sommes alors bien loin de
stimuler les formes
d’intelligence dont nous aurons
besoin à l’avenir.
Le développement de ces vertus a
déjà pourtant été présent dans
l’humanité dans toutes les
écoles de philosophie à la
manière classique qui visaient à
former des individus heureux,
épanouis, maître d’eux-mêmes et
créatifs, capable alors
d’assumer des responsabilités
dans la cité et de contribuer à
l’harmonie et à la paix sociale.
Voilà tout un programme de
formation du caractère. Les
résolutions à nos maux ne
passeraient donc plus par
l’accumulation de savoirs, ni
non plus par le développement de
nouvelles technologies ou
techniques mais bien par la
capacité d’incarner une qualité
d’être.
-Céline Bouchard |