Richesse oubliée

 


 
 

 

 

Le 17 octobre dernier se tenait à l’Université Laval un colloque international de théologie sous l’égide de la revue La Chair et le Souffle. Le thème : « Que faire de la fragilité dans une société compétitive ». Jean Bédard, philosophe et intervenant social, y prononçait une conférence intitulée : Richesse oubliée. Nous relayons ici, à notre façon, certains des ses propos qui nous rejoignent sur l’exclusion sociale.

Pour résumer en trop peu de mots, la société souffre d’une maladie mortelle qui se nomme exclusion. L’exclu est un symptôme qu’on refuse de voir. On le cache, on le refoule. On nourrit le préjugé faux que ce sont les faibles, les dysfonctionnels, les tarés qui sont exclus. Pour Jean Bédard, nous excluons précisément ceux dont le malaise devrait nous faire réfléchir, ceux qui portent un remède, un message. On tue les messagers.

Comme toutes les sociétés fondées sur l’expansion et la domination, la nôtre fonctionne avec une logique de l’exclusion. Le concept de sélection est roi, tel qu’en témoignent de nombreuses émissions de télé réalité où l’élimination progressive de tous les participants désigne le vainqueur le plus populaire. À la fin, tout le monde est exclu. Et la peur du rejet est le carburant ultime de toutes les séductions et de toutes les violences. Est-ce là la société que nous souhaitons?

Il existe dans les morgues des cendres oubliées; celles de ces exclus dont l’État a administré les cadavres, mais qu’aucun ami ne réclame. Existe-t-il donc des personnes qui ne valent même plus d’avoir leur propre sépulture? Qu’est ce donc qui donne de la valeur aux êtres?

La valeur d’être est la seule qui soit théoriquement inconditionnelle et sacrée. Théoriquement car lorsque vous avez perdu le sentiment d’être utile, de valoir la peine, d’être une source de joie pour quelqu’un, d’avoir quelque influence, lorsque vous semblez avoir perdu toute valeur économique et que vous avez l’impression que personne ne se souviendra de vous… Lorsque vous pensez pouvoir mourir sans que personne ne s’en soucie et que vous avez raison, le taux d’angoisse augmente naturellement. Or toutes ces autres valeurs, relatives, nous pouvons chacun d’entre nous les perdre. C’est donc toute une société qui angoisse.

Pour compenser, nous avons besoin d’être quelqu’un, d’avoir un statut. Il y a deux types de compensations, soit : je domine un certain nombre de personnes, par la hiérarchisation ou par la compétition; donc je suis. Soit: Je suis terriblement dominé et sacrifié sur l’hôtel de la société; donc je suis.

Évidemment, Jean Bédard a de l’espoir, considérant que la société a rendez-vous avec la nécessité. La société de l’avenir est forcément une société de coopération car la société de la compétition n’a écologiquement et humainement plus d’avenir. Les valeurs comme la fraternité ne sont plus le crémage sur un beau gâteau moral. Elles sont les conditions de survie de l’humanité.

-Youri Pinard

   

10 novembre 2009

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